mercredi 12 décembre 2007

Edward aux mains d'argent


Je vais aujourd’hui vous parler de ce qui est sans doute l’oeuvre la plus magistrale de Tim Burton (et peut être la plus magistrale tout court...), je veux parler d’Edward aux mains d’argent. Mais soyons honnêtes, que dire de ce film qui n’ait pas encore été dit???

Tout le film se déroule au travers du récit d’une grand-mère, Kim, qui narre sa vie à sa petite-fille. Cela se passe dans les années 60, c’est l’histoire d’Edward, une sorte de robot non terminé, possédant des ciseaux à la place des mains. Il vit seul au fin fond d’un manoir vétuste, près d’un quartier résidentiel américain standard. Des circonstances amènent une voisine, Peg, à visiter ce manoir et elle tombe sur cet étrange individu. De là va commencer le périple d’Edward dans le monde des hommes pour le meilleur et pour le pire; Pour le meilleur car il tombera éperdument amoureux de Kim, la fille de Peg, et sera acclamé mais aussi convoité par les habitants pour ses talents exceptionnels; Pour le pire également car de mauvaises rencontres le conduira à devenir un bouc émissaire commode pour la bonne conscience du monde qui l’entoure.

Edward s’accommode de ce nouvel environnement car il semble être accepté pour ce qu’il est, mais il ne sait finalement pas sur quel pied danser. Ce qui le retient, c’est elle, Kim, sa tendre aimée mais aussi sa muse. Edward y trouve donc un certain équilibre dans cet univers, certes factice, mais qui lui permet de s’épanouir artistiquement. Et Kim est toujours là, bien qu’elle fasse sa vie avec un autre. Elle perçoit Edward comme une étrangeté qui n’a rien à faire sous sa maison. Peg s’occupe avec douceur de lui comme un oiseau blessé trouvé sur le bord de la route tandis que le mari le regarde avec bienveillance. Quant aux voisines, elles se pâment devant lui pour assouvir tous leurs caprices (taille de buissons pour leurs jardins, il devint même le coiffeur pour chiens du quartier ect...). Edward est donc une espèce d’attraction locale, puis nationale (il passe à la TV), c’est une créature qui se retrouve dans une prison dorée car contraint de céder aux vanités du monde.


Mais à certains moments qui n’ont d’anodins que l’apparence, Edward se remémore des bribes de souvenirs; Ainsi, le spectateur se retrouve soudainement plongé dans des flash-backs nous permettant d’approfondir les moments clés de son passé, notamment les rapports d’affection et de complicité qu’il entretenait avec son créateur (joué par Vincent Price et dont Tim Burton était un grand admirateur). Il l’éduquait et voulait faire d’Edward un authentique humain. Mais tout cela fut interrompu par la mort brutale de ce père adoptif qui laissa Edward orphelin et incomplet physiquement. Cet événement tragique est une clé du film, c’est cette disparition qui fera d’Edward ce qu’il est. C’est cette incomplétude qui le rendra si extraordinaire et qui forgera son âme d’artiste. Et c’est sans doute aussi cette situation de carence affective qui poussera Edward à sortir de sa forteresse pour découvrir les autres...


Il serait fastidieux de faire l’inventaire de tout ce qui est merveilleux dans ce conte moderne. Les actes d’Edward sont ponctués de maladresses qui le rendent irrésistible mais qui entretient aussi le fossé qui le sépare des autres. Et c’est pourtant de cette infirmité que jaillit toute la puissance de son art, sa seule raison de vivre, avec Kim... Pour moi, le coeur de la beauté du film vient de cette idée maîtresse de faire d’une grande faiblesse une grande force, quitte à en payer le prix et rester incompris aux yeux de la multitude...

Mais des rôles vont s’inverser entre Kim et les autres habitants. Tout d’abord, Edward sera pris dans un piège de Jim, le copain de Kim, un piège dont Kim va être complice presque malgré elle. Edward jouera le jeux et recevra sur son dos des accusations non fondées tandis que Kim le regarde sous un angle complètement nouveau. Une complicité discrète mais bien réelle s’installe entre les 2 protagonistes.


Le fossé qui le sépare des autres, Kim sera la seule à le combler. Cette relation se noue alors qu’il suscite de plus en plus la méfiance chez les voisines, elles ne font plus confiance en cet objet docile, accusé de cambriolage....


Je pense que vous avez tous retenus votre souffle lors de la scène d’anthologie du film ou Kim découvre, et nous en même temps, toute la virtuosité d’Edward ainsi que le profond amour qu’il a pour sa muse.

On se retrouve dans un véritable ballet de neige où l’imaginaire et le réel ne se font plus obstacle et où temps est comme suspendu.


Mais Jim veut en finir avec cet intrus et c’est alors qu’Edward ne veut plus de ce monde où on le rejette comme un malpropre, la scène où il s’en va désespré en arrachant ses vêtements humains en dit long. Le rythme s’accélère et Edward, dans une tentative de sauver un enfant de la mort, ne fait qu’empirer son cas car ses ciseaux l’entaille et tout le monde crie à l’agression. C’en est finit de lui, seul Kim reste un phare dans cet environnement de froideur. Mais Edward se réfugie dans sa première demeure, celle qu’il n’avait jamais vraiment quittée et Kim part à sa recherche, suivis des autres habitants. Dans une dernière tentative de se débarasser de lui, Jim l’agresse sauvagement mais c’est Edward qui en sort vainqueur en le tuant avec ses ciseaux. Les habitants regardent médusés le corps Jim gisant par terre au pied du manoir. Et l’amour de Kim se révèle aux spectateurs lorsqu’elle fait croire à tout le monde qu’Edward est également mort à cause de cette lutte... C’est seulement avec ce pieux mensonge qu’Edward restera en paix dans son univers.


Je voulais faire une petite parenthèse et noter une chose qui, personnellement, m’a beaucoup frappé, c’est la façon dont la plupart des femmes considèrent Edward. En effet, celles-ci le désirent pour ce qu’il n’est pas, il n’est qu’un objet ... Mais je crois que si nous regardons bien le film, ces femmes le méprisent secrètement car celui-ci est inclassable et ne pourra jamais se conformer à l’objet de leurs désirs. Et ce mélange confus de sentiments se lit sur leurs visages à la fin du film lorsque Kim annonce la mort fictive d’Edward, elles sont choquées mais aussi soulagées et retournent à leur vie comme si tout n’avait été qu’un rêve fugitif. Et on ne reparlera plus jamais de lui....

Et l’on voit Kim finir son histoire à sa petite fille et nous laisse ce constat qui vaut tous les poèmes du monde (je ne me souviens pas exactement de la phrase) «Avant son arrivée, il ne neigeait jamais. Mais depuis qu’il est passé, il neige, il m’arrive même de me voir danser au milieu des flocons», et on voit Edward dans son manoir continuer encore et toujours ses sculptures de glaces représentant Kim. Toute cette partie est, pour moi, la quintessence du film. Elle résume tout. A mes yeux, cela ne se réduit certainement pas à un souvenir idéalisé. On voit que, bien qu’Edward et Kim ne se soient plus jamais revus et n’aient jamais eu une quelconque relation amoureuse, ils ne sont pas séparés, ils sont mystérieusement liés. Ce qui les unit, ce n’est pas un amour sensiblerie comme on nous en sert à longueur de journée, c’est une véritable communion d’âme, une communion d’amour, au-delà de l’espace et du temps, bien au-delà de la mort...


Ainsi, le voyage périlleux d’Edward ne fut pas vain, Kim l'a transformée autant que lui a transformé Kim. Et le film se termine sur Edward et son merveilleux monde enneigé, comme s’il avait toujours été là, comme si tout le film n’avait finalement été qu’un petit battement de cil de son univers éternel......

Chamanisme et modernité




Le chaman est d’abord un terme trouvant son origine dans la langue de l’ethnie Tougouse servant à résumer une foule de réalités. Etudié par les antropologues depuis le XIXème siècle, la perception du chamanisme a, depuis, fait son chemin, notamment avec les livres de Carlos Castaneda, auteur aussi fascinant que controversé et qui a tenu en halène de nombreux lecteurs de par le monde.

Le chamanisme renvoit à des traditions millénaires et on peut considérer un chaman comme un guérisseur soignant les malades et servant sa communauté. Il utilise pour cela une connaissance venant de ce qu’il qualifie comme étant le «monde des esprits». Cela se fait par l’acquisition de ce que l’on appelle en Parapsychologie un état modifié de conscience, état occasionné par la prise de drogues hallucinogènes, la méditation ou par des sonorités spécifiques présentes dans la musique de certains cérémonies ect... De cette «réalité invisible», ils en retirent une connaissance qu’ils utilisent à des fins de guérisons psychiques et physiques (les 2 étants souvent liés). Il est difficile d’aller au-delà de cette définition tant le chamanisme est d’une infinie diversité que ce soit en Sibérie, en Amazonie ou en Océanie.

Mais en partant de cette définition, on peut considérer que le chamanisme est présent dans nos cultures même si elle ne possède pas la même importance; Tout d'abord, il est tout à fait raisonnable de considérer que le druidisme antique est une forme historique de chamanisme. Mais pour ce qui est d'aujourd'hui, on peut trouver une équivalence dans nos guérisseurs-magnétiseurs présent dans les parties reculées de nos régions (il y en a d’ailleurs dans un lieu-dit du coin mais je n’en dirais pas plus :) )
Un exemple unique de rencontre entre le chamanisme et d'autres cultures se trouve dans le bouddhisme tibétain qui, historiquement, a incorporé dans ses pratiques des éléments provenant du chamanisme local (appelé bön). Cette impregation culturelle peut s'observer dans les pratique de transe des oracles tibétains, dans des pratiques de guérisons et jusque dans les costumes représentants les forces primitives de la nature, utilisés lors dans certains rituels.


Les chamans, dans leur médecine, ont une prise en compte «holistique» de l’homme, c’est à dire que l’individu est considéré comme un tout dont on ne peut pas séparer les parties, contrairement à notre culture occidentale où depuis Descartes, le réel est découpé en tranches afin d’en explorer chaque partie par le biais d'une méthodologie scientifique. Mais notre démarche, bien qu’elle donne des résultats très efficaces ne permet, en fin de compte, qu’une connaissance fragmentaire du réel et pour certains scientifiques et médecins, la découverte de ce monde chamanique peut constituer un véritable retour aux sources, ils en témoignent au travers de livres et des documentaires et d'articles. Ils furent tout à fait stupéfaits de découvrir un tel savoir portant sur une infinité de combinaisons de plantes à faire pour tel ou tel breuvage spécifique sur une infinité d’espèces de plantes provenant de l’Amazonie et les résultats sont étonnants. Ces chamans leur affirmaient détenir ce savoir de leurs voyages réguliers dans ce «monde des esprits»

Nous voyons également dans le merveilleux documentaire de Jan Kounen, «d’autres mondes», le témoignage d’un chercheur en chimie qui évoque une sorte «d’illumination scientifique» par le biais d’une prise de drogues hallucinogènes. Il a eu une vision nette d’une molécule qui sera à l’origine de son prix Nobel de chimie. Cet exemple ainsi que d'autres dans le film illustrent d'autres voies de connaissances. C’est ainsi que ces chercheurs considèrent le chamanisme comme une science naturelle découverte par l’homme partout dans le monde selon sa culture, ses pratiques et sa cosmogonie et ils accèdent à de précieuses informations donnant une autre perspective de la réalité.



Ce changement de perception du chamanisme peut prendre des tournants étonnants comme en Sibérie ou des chamans qui, initialement voués à l’extermination par l’URSS, sont maintenant intégrés dans des hôpitaux. Ce phénomène est également constaté aux USA ou des médecins travaillent de plus en plus en collaboration avec les chamans dans certains centres hospitaliers car ils ont des méthodes pour diagnostiquer certaines maladies. Des médecins, des psychiatres et botanistes ont jetés une nouvelle lumière depuis des décennies sur ces guérisseurs. Il est également important de noter que l’OMS (organisation mondiale de la santé) considère que certains rituels thérapeutiques chamaniques ont une efficacité équivalente à celle de la médecine traditionnelle.

Mais la vogue du néochamanisme occidental est à considérer avec prudence car on peut y trouver un contenu un peu fourre-tout et un peu en discordance avec le savoir rigoureux du «chamanisme traditionnel», savoir qui nécessite de longues années d’apprentissage.

mardi 11 décembre 2007

Bosch et son enfer


Ne sachant pas trop quoi faire comme article, j’ai décidé de mettre un exercice d’écriture que l’on devait effectuer en cours. Ce travail consistait à raconter son premier émoi esthétique. Si j’avais vraiment parlé de mon tout premier émoi, j’aurais été obligé de raconter, à une époque où je marchais à peine, mes émerveillements devant des fourmis qui agonisaient dans mes crachas au fond de mon jardin......

J’ai profité de ce petit travail pour me frotter un peu à l’écriture, domaine qui tient pour moi de la haute voltige... Voici le texte:



« Bien que n’étant pas le premier souvenir d’émoi esthétique, «l’enfer» de Jérôme Bosch fut en tout cas l’oeuvre qui me sensibilisa le plus à la peinture et à sa mise en scène. Comment ne pas retenir cette image qui paraît tout droit sortir de notre imaginaire irriguant nos cauchemars d’enfants? Que dire lorsque l’on a 9 ans et que les mot vous manquent?? Stupeur, étonnement ou sidération, tels furent sans aucun doute les symptômes de cette découverte.

Cet enfer me fait songer à de plus lointains souvenirs d’enfants où alors que vous souleviez une pierre au milieu de votre jardin, vous découvriez alors tout un univers grouillant de vie que vous ne soupçonniez même pas. C’est, à mes yeux, ce qui convient le mieux pour décrire l’enfer avec des yeux d’enfants.

Mais au-delà des formules mondaines, on se sent étrangement proche et lointain de l’enfer lorsqu’on le découvre pour la première fois à 9 ans. En effet, vous reconnaissez des animaux qui vous sont familiers, divers objets dont des instruments de musique que vous affectionnez ou même des lueurs aperçues fugitivement peu avant l’aube. Mais c’est tout le contexte d’ensemble qui me mit dans une grande stupéfaction.

On intellectualise difficilement à 9 ans mais vous vous dites que vous vous trouvez devant quelque chose qui ne peut pas exister... Et qui pourtant est là! Et de ces agrégats de vies, de situations et d’êtres antropomorphiques naît un sentiment de beauté, un sentiment teinté de respect car l’enfer rentre en échos avec une dimension de vous-même, vibre avec des désirs, des aspirations... Vous êtes en révérence devant un paysage qui montre à la lumière du jour ce qui se voile en vous, mais également derrière les montagnes, sous la terre où dans le noir.

Mais l’enfer vous met mal à l’aise car il est recroquevillé sur lui-même. Les lueurs de l’horizon ne laissent même pas entrevoir une sortie et le chaos imprègne le paysage jusque dans les plus lointaines décombres. Donc, vous vous éloignez de l’enfer en vous disant que c’est peut-être lui qui vous a trouvé. Mais qu’à cela ne tienne, l’enfer m’a finalement trouvé pour m’ouvrir à la peinture et, par extension, au pouvoir expressif de l’art».

Au commencement....


Bonjour à tous et bienvenu sur mon blog Betanoia.

Je me dois d'être honnête avec vous et commencer par vous dire que le blog au départ, ce n'est franchement pas mon truc.... J'avais tendance à me moquer de cette "mode" que je considérais comme nombriliste. Mais finalement, comme moi ainsi que ma classe, sommes invités à en faire un dans le cadre de nos cours d'Art numérique à l'école des beaux-arts de Cornouaille, je me suis dit pourquoi pas... Après tout, le blog peut avoir toutes sortes de qualités (diffusion, échange, vulgarisation ect...) selon la façon dont on l'utilise.

Voilà, en bref, j'espère que vous passerez un bon moment sur Betanoia :)

Ken